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(Beats & Frames) Entretien avec Eugenio Viñas

Le nom d’Eugenio Viñas est lié à la direction de la section culturelle du journal numérique Valencia Plaza. Depuis leur site web, Eugenio a été chaque jour bombardé de détails sur ce monde complexe et souvent conflictuel qu’est celui de la culture dans notre région. Mais leurs préoccupations vont au – delà des nouvelles quotidiennes. Depuis quelques temps, ce journaliste d’ Alaquàs a dévelopé un projet de différents formats sur différentes plate-formes (un podcast : www.podiumpodcast.com/valencia-destroy/ et un futur documentaire)  qui revient sur sur l’âge d’or des discothèques qui, tout au long des années 80 et jusqu’à leur décadence dans les années 90, ont marqué la culture de la musique et les formes de la disruption de la jeunesse valenciana. Barraca, Chocolate, ACTV, Spook sont des noms mythiques de la scène locale qui fut l’épicentre de de l’identité de plusieurs générations. Et d efait, bien avant son crépuscule connu sous le nom de « ruta del bakalao », Valencia a accueilli un mouvement allant des arts de la scènes aux arts plastiques et a été le lieu où on pu comprendre la musique et les espaces de libertés oú elle pouvait se développer. Avec le cycle Beats and Frames où Cinema Jove dédie un cycle à la musique électronique, Eugenio Viñas vient réaliser une conférence, accompagné d’une sélection de musique en directe évoluant dans une chronologie déterminée.Ce sera le Dimanche 24 Juin dans la salle Goerlich du Centro del Carmen.

Votre conférence s’inscrit dans la cadre du Beast and Frames qu’organise Cinema Jove. Que comprenez-vous par ‘musique électronique’ ?

Bien, saches que je vais contrarier ta question car mon travail, ma série et le documentaire que je suis entrain de préparer avec Gabi Ochoa et Nakumara Films qui s’appelle La revolución bailada (La révolution en dansant), mon objectif n’est pas tant la musique électronique que la musique de danse. C’est-à-dire, si je parle de la musique électronique ce ne sera que la moitié du travail. De fait, mon récit commence avec la musique rock, alors que bien évidemment la série revient de manière conséquente sur la musique électronique. Pour revenir sur la définition de musique électronique, je peux dire que, pour moi, c’est le reflet naturel de la révolution industrielle qui a affecté tout les aspects de la vie et de la société. Aujourd’hui, le plus grand consommateur de musique depuis le premier tiers du XXe siècle sont les jeunes, si notre jeunesse vit connectée aux machines toute la journée, c’est le plus naturel du monde que les listes de musiques à succès sont remplies de musiques électroniques. Cela représente l’évolution technologique dans ses aspects les plus concrets.

Comment a commencé tout cela ?

L’origine de la musique électronique a aujourd’hui plus ou moins un siècle d’existence. Il y a quelques expérimentations qui sont faites en Egypte et plus largement dans le pourtour méditerranéen dans les années 10 et 20, notamment à travers la musique mécanique. Cela répond de nouveau à la révolution industrielle, à l’arrivée et de l’extension de l’électricité. A partir de là, il y a des gens liés au monde de la musique qui disent : Comment pouvons-nous traduire cela ? Et donc, depuis le début, il y a l’idée que si nous pouvons le traduire alors nous pouvons sauver les musiciens. Mais moi je me suis centré sur la musique de danse et comment les discothèques se convertissent en un lieu de divertissement, de communion sociale. Cela a une date concrète : paris 1940. Ma présentation commence à cette date, et ce qui suit c’est le nazisme qui a occupé Paris alors capitale culturelle européenne et lieu où, au niveau musical, il y avait un certains nombres de choses qui étaient faites. Cette explosion musicale va être avortée par l’esprit de censure du nazisme. Mais les gens sont jeunes et veulent danser et alors que la musique enregistrée est pire que la musique jouée en direct, ils se sont dit : on peut mettre des vinyles dans des valises et la police arrive, on ferme la valise et voilà. Cette idée pratique s’est établit dans un lieu, dans une cave souterraine qui s’appelait La discotteque. Et c’est ainsi qu’est né la discothèque. Ça s’appelle ainsi car c’était un lieu où il y avait beaucoup de disques.

Cette modeste révolution s’étendra ensuite jusqu’aux États-Unis.

Ici les flux migratoires vont imposer des changements décisifs. Ce sont les américains, de retour aux États-Unis après la libération de Paris, qui vont importer ce mode d’écoute et à partir des ports de New-York et de Miami. Dans ces deux villes, aux débuts des années 40 et jusqu’aux années 50, il y a déjà le concept de discothèque, c’est-à-dire qu’il existe déjà le support et il y a la personne qui met la musique. Pourtant, et même aux États-Unis, on pense que la musique en direct c’est le mieux, mais que ça sert pour danser. Qu’est-ce qui se danse dans ces lieux ? À Paris, surtout jazz, bebop etc. Et dans l’export aux USA certains éléments de ce jazz qui se mélange avec les premiers jets de blues vont donner le twist, qui va être le premier style hégémonique dans les discothèques.

Quand est-ce qu’intervient le changement vers le concept moderne ?

Tout va évoluer à partir des années 50 jusqu’aux années des 80. Ce sont trente années de progression. Pour moi le passage est en 1977 en cela qu’il y a deux choses : que Giorgio Moroder, avec Donna Summer, ont inauguré le format de 12 pistes qui va tout dominer, et que Kraftwerk publie Radioactivity. Un courant qui vient de la musique de danse représenté par Giorgio Moroder s’associe à une diva comme Dona Summer et décide que, en lieu et place de la ligne de basse et de batterie, va séquencer les coups de métronome pour les convertir en la base de grosse caisse de I feel love. La musique funk, qui est le style hégémonique d’alors, donne ce virage conséquent à la musique électronique. Dans le même temps, Kraftwerk publie Radioactivity, qui est le passage pop de ceux qui faisaient de l’expérimentation. Ces deux idées confluent et commencent à donner une base de patron pour la musique à coup de pulsations. Mais pour autant ce n’est pas forcément canonique, j’inclue aussi, qu’en 78, est publié Off the Wall de Michael Jackson, qui a une vocation mélodique énorme, avec de la musique électronique qui était alors en pleine explosion grâce au producteur Quincy Jones.

Quel est le passage de musique rock à la musique électronique ?

Pour moi le changement a beaucoup à voir avec l’idée de Giorgio Moroder d’élever le métronome… Quand les musiciens enregistrent en studio, ils enregistrent avec un métronome. Pourquoi ? Car chacun peut enregistrer sa partie et ensuite ils peuvent se cale sur le même temps.C’est-à-dire qu’ils enregistrent avec un tac, tac, tac… Élever cette piste au niveau de la grosse caisse prédominante, tu marques le futur de la musique électronique sans le savoir. Que va générer cette grosse caisse qui ne dégrossit pas dans le temps ? Que les chansons peuvent se mélanger avec facilité. Que tu trouves un un patron rythmique qui va coïncider. Il ne le sait pas mais va générer un outil unique pour la musique en continue. D’un autre côté, l’évolution des synthétiseurs fait apparaître des choses très intéressantes. A plus d’équipements et plus de sons, plus de possibilités.

Un des documentaires du cycle, High Tech Soul : The Creation of Techno Music place l’origine de la musique électronique comme on l’entend aujourd’hui dans la ville de Détroit et dans les décennies 80. Je ne sais pas si vous partagez cette chronologie ?

Si je la situe ainsi, seulement je me suis centré sur l’échelle européenne. Pour moi ce qui va être influent à Valencia va l’être en Europe. Il y a deux mouvements parallèles à la musique électronique : c’est le reggae et le hip-hop. Le mouvement reggae va être le premier a créer l’idée d’une musique continue enregistrée, à la fin des années 70. Et le hip-hop va faire évoluer la musique électronique dans l’utilisation des basses. C’est curieux car il n’y a pas de chaînon entre ces mouvements fondateurs et Valencia ou encore l’Europe. Au long des années 80 il y a deux villes qui vont sortir du lot, Détroit pour la techno et Chicago pour l’acide house. Et le plus surprenant encore c’est qu’aucune de ces villes de va devenir la capitale de tout ça mais plutôt en Europe où ça va exploser. A Berlin avec la techno et Londres avec l’acide house connectée à Ibiza.

Comment cela s’est diffusé en Europe ?

Le plus important, comme je l’ai dit, c’est que moi je en parle pas de musique électronique mais de musique de danse. Et la musique de danse vient des discothèques. De fait le récit merveilleux de ce qui arrive à Valencia n’est pas unique das l’histoire de la musique électronique, mais c’est plus qu’une anecdote. Un scénario inespéré et unique qui conjugue un pléthore de situations sociales et économiques dans un lieu relativement isolé qu’est Valencia. Cela survient car on est dans l’Espagne post-franquisme, avec un dynamisme dingue où il y a une demande d’explorer ses libertés. Cette inquiétude levée, un moment hédoniste prend place et se produit avec le changement d’une génération. Nous sommes alors à la fin des années 70.C’est une génération qui peut donc maintenant voyager, regarder des films, acheter des disques de l’étranger etc. Toute cette liberté coincide avec l’apparition des tribus urbaines en Espagne. Cette explosion, unit à la musique, va générer une création d’une sorte de temples inespérés, selon moi mi-bibliothèque païennes que sont les discothèques. Pourquoi ? Car ici il y a toute la musique que tu ne peux pas acheter. Tu peux acheter un disque et si tu as beaucoup d’argent, quatre disques par moi mais ce que tu ne peux pas acheter c’est la discothèque de Barraca avec laquelle, par exemple, en 1989, le groupe Happy Mondays a littéralement était bluffé en découvrant une telle discothèque dans un lieu si isolé, elle était au même niveau que celles qu’on pouvait trouver à Londres. C’est ce qui a généré petit à petit une identité, personnelle et collective pour les gens qui fréquentaient ces lieux.